Playlist d'explorations digitales
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West explore les Futur.e.s – 2ème partie
Fin juin, l’équipe West s’est rendue à Futur.e.s, le festival du numérique qui s’est tenu à la Porte de la Villette à Paris. Le festival s’est exposé au public sous plusieurs formats comprenant des conférences, master class et tables rondes. Elles étaient l’occasion de rassembler des intervenants aux expertises très variées. Le public avait également accès à des workshops sur des sujets plus spécifiques ainsi que des démonstrations de produits numériques répondant à des problématiques « du futur ».
Dans cette article de la semaine dernière, nous avons présenté des conférences sur l’art, la créativité, la tech et l’accessibilité. Place maintenant aux algorithmes, IA, transition numérique et écologique.
IA, algorithmes et données, faire de la connaissance un bien universel
Notre deuxième exploration s’intéresse d’abord à la communication et au transfert d’information au sens large. Communiquer au plus grand nombre pose la question de savoir quel contenu on communique mais aussi celle de la partialité de ce contenu. Le futur d’Internet sera-t-il fait de contenu biaisé par des acteurs économiques ou sera-t-il en mesure de rester neutre ? C’est la question épineuse et particulièrement d’actualité à laquelle les intervenants de la table ronde Haro sur la neutralité du net ont tenté de répondre.
Crier haro sur la neutralité du net
Cette table ronde réunissait Julie Owono, directrice exécutive de l’ONG Internet sans frontières et Sébastien Soriano, président de l’Arcep (Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes).
Ce dernier organisme a pour but de veiller au développement des réseaux télécom et d’assurer que leur gestion ne tombe pas dans un système de monopole. Considérer le réseau « comme un bien commun » est une garantie pour assurer la neutralité du net et des communications. Chaque pays étant en charge indépendamment de la gestion de son réseau, il en va de même pour l’éthique qui l’accompagne.
« La neutralité du net, c’est la libre circulation dans l’univers du net. » Sébastien Soriano
D’autres arguments en faveur de l’importance de la neutralité du net ont été mentionnés lorsque la discussion s’est portée sur l’exemple de l’Afrique. Le premier argument est économique : Internet est un outil qui met en relation les acteurs économiques d’un pays entre eux et donne la possibilité à des acteurs plus petits d’émerger. Le deuxième point est politique : la politique par définition a besoin d’un espace de liberté pour laisser chacun exposer ses idées. L’impartialité potentielle de cette espace géré par un opérateur télécom donnerait l’opportunité à certains d’être plus visibles que d’autres.
Or, l’administration Trump a remis récemment en question cette neutralité. Les sociétés de télécom américaines disposent d’un marché moins étendu et concurrentiel qu’en France. En limitant ou supprimant la possibilité de choisir son opérateur, on limite également la possibilité de boycotter ou de protester aux usagers. Les défenseurs de la neutralité du net aux USA craignent qu’Internet ne devienne un outil politique et partial via des systèmes de financement.
En Europe, le marché étant plus vaste, Internet n’est pas contrôlé par les opérateurs télécom mais par des institutions comme l’Arcep qui gère sa régulation sans tenir compte de problématiques financières. À long terme, l’Arcep voudrait développer une politique commune de neutralité qui se concrétiserait par un traité ratifié par le plus grand nombre de pays possible.
« Faire de la neutralité du net un standard démocratique. » Sébastien Soriano
Comprendre le mystère de l’ordinateur quantique
L’informatique quantique est un vaste et complexe sujet que ce soit dans la théorie mais aussi dans les application infinies qui l’accompagnent. Lors de son intervention à Futur.e.s, Sylvie Tissot, artiste, informaticienne et spécialiste de l’informatique quantique s’était donnée pour mission de lever le voile sur le mystère souvent associé à cette question. L’ordinateur quantique est un ordinateur qui tire ses propriétés de la physique quantique et fonctionne sur le principe de superposition d’états quantiques de minuscules particules. Ses capacités de calcul et de rapidité sont extrêmement supérieur à un ordinateur classique. Après une démonstration théorique du principe de la physique quantique très imagée, Sylvie Tissot nous a expliqué pourquoi les ordinateurs quantiques étaient encore à l’état expérimental.
À ce jour, seuls quelques entreprises comme IBM ou Microsoft ont pu développer un ordinateur quantique. Ce dernier a même été le pionnier dans le domaine en initiant ces travaux en 1997. En effet, construire un ordinateur quantique n’est pas chose facile. Il est impératif d’atteindre des conditions parfaites grâce à un savant dosage de température, de champ magnétique et d’absence de lumière pour les faire fonctionner de manière stable. Ces entreprises mettent ensuite leur ordinateur respectif à disposition de physiciens expérimentaux via des interfaces sur lesquelles il est possible de coder dans un langage bien particulier. Par exemple, Google a développé à titre de simulation son Quantum Computing Playground et Microsoft son Q# Programming Language.
Plusieurs applications de l’ordinateur quantique sont envisagées telles que l’organisation dans l’espace des protéines, la recherche opérationnelle, le « machine learning » ou encore la sécurisation des communications. Ce dernier point est tout à fait paradoxal car c’est le fait même de détenir les capacités du quantique qui menace les processus de sécurité mis en place jusqu’à présent. Le développement des ordinateurs quantiques générerait donc le besoin de trouver d’autres solutions de cryptage adaptées à l’épreuve de cette même technologie.
Territoires, allier transition climatique et accélération technologique
L’accélération technologique est un puissant levier économique amenant également des bouleversements socio-culturels. Elle a cependant un effet négatif qui a été moins appréhendé jusqu’à présent : son impact écologique.
Appréhender le vrai coût de la transition numérique
La transition numérique peut-elle être en harmonie avec la transition écologique ? Peuvent-elles partager les même valeurs ? Voici les questions sur lesquelles se sont penchées Guillaume Pitron, journaliste au Monde diplomatique et à GEO et auteur de La guerre des métaux rares – La Face cachée de la transition énergétique et numérique et Stéphane Petibon, cofondateur de Newmanity lors de la table ronde Terres rares, infrastructures polluantes : les angles morts de la transition numérique.
« Le Web représente 6 à 10 % de la pollution de la planète et 4 % des émissions de CO2. » Guillaume Pitron
Le numérique a un coût écologique qui est difficile à quantifier car il provoque divers types de pollution. D’après Guillaume Pitron, on sait que, dans le cycle de vie d’un smartphone par exemple, c’est l’étape de fabrication qui génère le plus de pollution. Elle demande l’extraction de matières premières peu utilisées jusqu’à présent comme les métaux rares. Or, ces matières premières rejettent une quantité particulièrement élevée de CO2 lors de leur extraction et de leur utilisation. Cette table ronde a donc été l’occasion de remettre en question le cycle de vie des technologies que nous utilisons et leur coût écologique, aussi bien côté hardware que software.
Comment faire pour que les produits technologiques soient moins polluants ? Stéphane Petibon nous a présenté, à titre d’exemple, un outil numérique qui aurait un moindre coût écologique : un système de messagerie dont les serveurs utilisés ne consomment que de l’énergie éolienne. D’autres idées ont émergé telles que la création d’un indice de matière première consommée qui aurait pour but de responsabiliser les usagers, l’encouragement ou l’obligation auprès des différents acteurs de la production de trouver un meilleur ratio de consommation de matière première ou encore la mise en avant du mode de consommation du produit « as a service ». Dans ce dernier cas, l’usager serait alors dans une logique de location de produit et le fabricant aurait, quant à lui, intérêt à ce que son produit soit le plus pérenne possible.
Proposer une économie circulaire
Une autre proposition de transition écologique nous a été présentée par Clara Duchalet du collectif Woman4Climate avec une logique d’économie circulaire alliée au principe de recyclage.
Son idée première est de transformer les « biodéchets », ou déchets organiques, en énergie. Elle est partie du constat que moins de 10 % de ces déchets sont aujourd’hui valorisés alors qu’il y a plusieurs façons d’en tirer parti grâce à une démarche d’économie circulaire. En récupérant les « biodéchets », on peut tout d’abord en faire du compost. Ce même compost, en se créant, libère de la chaleur qui peut également être mis à profit. Enfin, ce compost peut servir à faire pousser des « biolégumes ». C’est avec cette logique que Claire Duchalet a monté son entreprise via laquelle elle propose à des restaurateurs de récupérer leur déchets et de leur échanger contre ses « biolégumes » issus du recyclage. La chaleur produite lors du processus de la mise en compost est, quant à elle, récupérer et transformer en énergie pour être revendue à EDF en tant qu’électricité verte.
Réfléchir aux scénarios extrêmes
Pour terminer ce tour d’horizon du festival, plusieurs « labs » ont été proposés par Futur.e.s afin que chacun puisse partager ses idées et sa vision du numérique notamment sur la thématique des territoires. En effet, la transition numérique a un grand rôle à jouer dans ce domaine. Est-il possible qu’elle puisse en arriver jusqu’à remodeler la structure des villes ?
C’est la question abordée lors du Lab Scénarios Extrêmes. Il fut l’occasion de réfléchir collectivement autour de projections caricaturales de la ville en 2068. Nourri de podcasts et des résultats de trois études réalisées par Ouishare, Chronos et l’ADEME, le débat a porté sur des sujets palpitants tels que l’application des modèles économiques issus du digital – freemium par ex. – au service publique, le partage de données personnelles au service du bien-être d’une communauté, ou encore la notion de territoire à l’heure du numérique.
Cette deuxième partie du festival nous a donné l’opportunité de comprendre des concepts aussi mystérieux que l’informatique quantique mais aussi de nous questionner sur le bien-fondé de nos actions, que ce soit sur l’importance de la neutralité du net ou sur les impacts écologiques de la transition numérique. En tant qu’agence digitale et acteur de cette industrie numérique, il est particulièrement important d’appréhender ces enjeux qui ne feront que croître dans le futur. Dans l’ensemble, la diversité des thématiques discutées et par la qualité des interventions proposées nous ont montré le meilleur des solutions numériques d’aujourd’hui. Un bémol, cependant, sur le fait que les problématiques présentées étaient plutôt tournées sur le court-terme. C’est pourquoi on s’est demandé s’il ne manquait pas également une vision plus théorique, réellement tournée vers le futur à long-terme pour que le festival réponde réellement à son objectif de « faire explorer les futurs possibles ».